L'homme d'église
Datte: 12/03/2019,
Catégories:
fh,
hplusag,
religion,
Oral
69,
fsodo,
ecriv_f,
Auteur: Sarah, Source: Revebebe
Sa valise à la main, Armand Desprès, un homme d’une trentaine d’années, traversa l’allée de l’église jusqu’à la porte. Il tira d’un coup sec pour l’ouvrir, un geste qu’il avait accompli à de nombreuses reprises ces dix dernières années. La main sur la poignée, il se retourna et jeta un regard nouveau sur ce qui avait été sa demeure. Dieu que cet endroit lui semblait sombre aujourd’hui ! Dire qu’il s’y était cru heureux, loin de la folie des hommes, à l’abri de tous leurs péchés. Mais c’était avant, et maintenant il commençait une nouvelle vie, une vie d’homme.
Sans regret, il referma le grand portail, descendit les quatre marches qui menaient à la grande route. Il la traversa et se rendit à la mairie pour y remettre les clés à son remplaçant.
Avant d’être Armand Desprès, il était le Père Armand. Cela faisait cinq ans qu’il officiait dans ce petit village du Massif Central quand une nouvelle famille emménagea. Dans une commune de cette taille, tout le monde se connaissait et quand de nouveaux venus se présentaient, la population était très rapidement au courant.
En l’occurrence, il s’agissait d’un couple avec ses deux enfants. Les parents étaient des agriculteurs qui venaient de racheter une parcelle de terre à un vieux paysan trop âgé pour s’occuper de ses champs et qui partait habiter chez ses enfants en ville. L’homme était l’archétype du paysan d’une autre époque. Bourru, solitaire, peu bavard et sale. Sauf le dimanche. Lui et sa femme emmenaient leurs deux ...
... enfants à la messe chaque semaine et écoutaient religieusement les sermons du Père Armand. Son épouse, bien qu’encore jeune, faisait plus que son âge. Fatiguée par les soucis du quotidien et par les nombreuses responsabilités de la maison qu’elle endossait seule, l’église était le lieu où elle se ressourçait et venait puiser la force et la volonté qui lui permettraient de traverser les épreuves hebdomadaires.
Lors de la première messe à laquelle assistèrent ses nouveaux paroissiens, le Père Armand se rendit compte combien son auditoire était restreint et âgé. Avec les derniers arrivants, l’assistance avait doublé et pour la première fois depuis des années, il voyait assis sur les bancs des gens capables de se relever tout seul et qui ne s’endormaient pas avant la fin du sermon. L’apparition de ce nouveau public, attaché aux mêmes valeurs que lui et sensible à ses propos lui redonna une vigueur qu’il voyait se perdre jour après jour.
A l’issue de la cérémonie, alors que l’homme et les deux filles quittèrent l’église, la femme vint le voir et se présenta :
— Bonjour mon père. Je m’appelle Catherine Durant. Mon mari, qui est déjà sorti, excusez-le, s’appelle Philippe. Et les filles, Suzanne et Charlotte.
— Vous avez là une belle famille. Vous semblez encore jeune pour avoir des filles aussi grandes.
— Merci, mais ce ne sont pas mes filles, je les ai adoptées. Je ne peux pas avoir d’enfants.
Le Père Armand se dit que cela expliquait sans doute cette grande tristesse au ...